Photo : Patrice Lapointe / Tennis Canada

Collaboration spéciale de Mario Brisebois

Les plus belles victoires ne sont pas toujours celles affichées au tableau. Rebecca Marino en fait la suprême démonstration.

Alors que les spectateurs de la soirée d’ouverture de l’Omnium Banque Nationale présenté par Rogers étaient venus voir la Lavalloise Leylah Annie Fernandez, ils ont quitté le stade IGA en ovationnant longtemps Rebecca Marino.

Contre toute attente, la Canadienne de 30 ans, classée au 220e rang mondial, a éliminé en deux manches de 6-3 Madison Keys, 26e à la WTA et 16e tête de série cette semaine.

Montréal se souvient bien de l’Américaine, finaliste ici en 2016 devant Simona Halep.

Après avoir servi un premier avertissement en brisant d’entrée sa rivale, la longiligne et forte Canadienne, du haut de ses six pieds, n’a pas vraiment eu à regarder en arrière sauf en déficit de 0-2 en début de deuxième set.

Elle a vite traversé ce passage à vide pour en finir en temps express de 1 h 8 min, ce qui est une très bonne affaire compte tenu de la chaleur et de l’humidité sur le Court central.

Quelle est l’importance de cette victoire ? lui a-t-on demandé. « Il y a eu Marion Bartoli (ex-titulaire de Roland-Garros) comme numéro un de ma carrière et c’est maintenant celle-ci comme numéro deux. »

RECOMMENCER À ZÉRO 

Photo : Patrice Lapointe / Tennis Canada

Si Rebecca Marino parle de la sorte, c’est qu’à 30 ans, sa vie est déjà un grand livre comme expérience humaine.

Bien avant que Naomi Osaka sorte sur la place publique pour parler de ses difficultés avec sa santé mentale, elle a vécu elle-même une situation similaire.

En 2010, la vie est belle pour Rebecca. Elle atteint le 4e tour à Melbourne et la finale à Memphis. Elle monte jusqu’au 38e rang WTA.

À vingt ans, tout devient possible, mais ça ne durera pas.

Victime de cyberintimidation qui accentuera une dépression latente, le choc est énorme. Elle abandonne tout. Terminé le tennis pendant cinq ans pour entrer dans ce qu’elle n’osait appeler alors la retraite.

Une fille avec une très bonne tête, Rebecca n’allait cependant pas se cacher sous une roche. Elle donne un coup de barre à sa vie. Elle retourne aux études. Elle s’inscrit à l’équipe de son université en… aviron pour vraiment décrocher avec le tennis, avant de revenir en 2018 avec tout ce que cela comporte comme défis et sacrifices de repartir dans les ligues mineures pour refaire son classement.

Cette semaine, Rebecca a droit au chic hôtel, au chauffeur pour le transport et aux repas payés comme invitée de Tennis Canada en récompense pour la générosité de son temps en Coupe Billie Jean King contre la Serbie. La grosse vie quoi, mais sa réalité est de passer son temps pour refaire ses points à des endroits aussi exaltants qu’Evansville, en Indiana.

« Je sais que bien des gens n’ont pas compris, mais c’était la bonne décision à prendre de quitter mon sport », dit celle qui donne des conférences pour informer les jeunes.

« Je suis fière sur le plan personnel et je pense que cela se reflète dans mon jeu », ajoute Marino.

Et comment !

LEYLAH : MEA CULPA EN ATTENDANT… REBECCA   

Photo : Sarah-Jade Champagne / Tennis Canada

« J’ai commis trop d’erreurs. Il y a eu juste trop d’occasions que je n’ai pas saisies. »

Oubliez les excuses de Leylah Annie Fernandez.

Chaleur, humidité ou nervosité, la Lavalloise a le mérite de ne pas chercher les excuses dans son revers de 5-7 et 6-7 (4 au bris) après 2 h 11 de travail dans le sauna devant la qualifiée britannique et 152e mondiale Harriet Dart, hypothéquée physiquement.

Leylah Fernandez a eu les devants dans les deux sets sans capitaliser.

À 18 ans, elle aura le temps de se reprendre.