Parlez-nous de votre parcours dans le monde du tennis et de vos fonctions aujourd’hui

J’ai travaillé 18 ans pour la Fédération Française de Tennis. En 2015, je suis arrivé au Canada pour travailler avec Tennis Canada et le groupe du Centre national au Stade IGA. Mon rôle consiste à superviser le développement physique de tous ces jeunes et de suivre également Félix Auger-Aliassime. Chaque année, on a de nouvelles générations qui se suivent et c’est plaisant de les voir évoluer et progresser.

Aujourd’hui, mon rôle a évolué puisqu’il intègre des missions de coordination, notamment avec l’équipe médicale, les entraîneurs de tennis, les préparateurs physiques, la scolarité des jeunes, la préparation mentale, le bien-être ainsi qu’avec les parents. En soit, il s’agit de coordonner le développement des jeunes dans son ensemble. On se rend compte que si on veut mener à bien le projet du joueur, il faut qu’il y ait des ponts entre les différents intervenants (qu’on appelle équipe de support intégrée). Le but c’est vraiment de faciliter la transmission d’informations et d’avoir une vue globale sur le jeune. Tout ça pour l’aider à progresser, pour qu’il se sente bien entouré, qu’il prenne plaisir à venir s’entraîner au Centre et qu’il soit dans les meilleures conditions possibles.

Quels sont les principaux aspects de la préparation physique pour un joueur de tennis?

La préparation physique consiste à donner aux joueurs les meilleures habiletés et qualités physiques. Les habiletés physiques sont des aspects de course, de déplacement et d’efficacité à la frappe. Les qualités physiques sont, quant à elles, la répétition de l’effort, la puissance, la coordination et la précision. Toutes ces habiletés et qualités se développent au fil du temps, tant il y a de paramètres à prendre en compte.

Au tennis, la motricité est très importante. Il y a les informations à prendre sur la trajectoire de balle, la perception, la prise de décision, le déplacement autour de la balle, etc. On considère que pour faciliter ces apprentissages-là, il est important d’aménager des situations qui permettent aux joueurs de développer un bon schéma corporel et des bonnes habiletés. On essaie aussi de faire progresser les jeunes dans leurs techniques avec des activités comme le lancer, des courses et des relais pour qu’ils se déplacent bien sur le terrain.

Bien que le tennis soit un sport de duel, on considère aussi important de faire des séances de groupe et de pratiquer des sports collectifs. Ça enseigne beaucoup de choses sur la gestion des émotions et ça permet aussi d’éprouver du plaisir à jouer et de briser la routine d’entraînement pour que le joueur soit bien et se développe mieux. Ce qui est intéressant en tant que préparateur physique, c’est de se mettre non seulement au service du joueur, mais aussi de l’entraîneur de tennis. On essaie de construire ensemble des cycles d’entraînement pour créer des dominantes physiques ou tennistiques selon la saison en cours.

Quelle est la proportion idéale de préparation physique versus la pratique sur le court?

La réponse évolue en fonction de l’âge. Souvent, quand un jeune veut jouer au tennis, il veut avoir une raquette en main et taper dans la balle, donc il faut lui laisser le temps de jouer. En revanche, la préparation peut toujours s’intégrer dans l’échauffement avec des jeux de lancer ou de déplacement.

Quand l’adolescence arrive, on veut vraiment donner au joueur des moyens supplémentaires puisque c’est un âge à partir duquel on se projette davantage vers la compétition. C’est donc pendant cette période qu’il est important de s’entourer, idéalement d’un préparateur physique qui a une compréhension du jeu, afin de développer les qualités physiques propres au tennis, de rééquilibrer les masses musculaires et prévenir les blessures.

Le tennis est un sport technique et tactique, il faut donc laisser du temps sur le court. C’est une question d’équilibre, tout en sachant qu’il y a différentes périodes. Même en période de compétition, il est important de faire du renforcement sur l’épaule et du gainage, sur des parties du corps identifiées comme étant plus fragiles.

En moyenne, je dirais qu’une bonne proportion serait entre 1/4 et 1/3 du temps dédié à la préparation physique et le reste sur le terrain.

Quel est le rôle de la préparation physique dans la prévention des blessures?

La prévention des blessures, c’est un sujet multifactoriel. Ça commence par bien maîtriser la charge d’entraînement. Si l’on parle d’un joueur en développement (adolescence), le développement demande déjà beaucoup d’énergie car le schéma corporel change et exige des ressources.

Si l’on veut progresser au tennis, il faut répéter les gestes à de multiples reprises et l’on oublie parfois que la répétition des gestes peut mener à des déséquilibres musculaires.

L’autre aspect important de la prévention des blessures, c’est d’améliorer la technique du joueur. Si on répète un geste qui n’est pas juste d’un point de vue biomécanique, on augmente les risques de blessures. Même si l’on voit des grands joueurs qui ont développé leur propre technique, il y a malgré tout des grandes règles biomécaniques. Quand on a des bons placements, des bons alignements, on va être plus économe et avoir moins de chances de se blesser.

Finalement, on priorise souvent le contenu de l’entraînement en tant que préparateur physique, mais l’hydratation et le sommeil sont reconnus comme des facteurs à ne pas négliger. En tant que préparateur, c’est aussi notre rôle d’aiguiller les jeunes sur ces aspects et leur véhiculer des messages importants, notamment quand on les accompagne en tournois.

Sur quoi se baser pour développer des plans de préparation physique?

Souvent, on part d’une évaluation multifactorielle (créée en collaboration avec Tennis Québec). On évalue les habiletés physiques, le niveau des qualités physiques, le niveau de puissance musculaire, etc. Cela permet de dresser un tableau puis de mettre en lumière les axes d’amélioration et les priorités.

Quoiqu’il arrive, il faut toujours équilibrer les choses et ne jamais négliger un domaine. Chez les adolescents, on commence à travailler avec des charges légères, à faire des fentes, à soulever une charge, à faire du gainage, à placer sa respiration dans le mouvement.

Quels seraient les 3 exercices que vous recommanderiez à tout le monde?

Le gainage n’est pas vraiment un exercice, mais je le recommande à tous. En tant que préparateur physique, ce qu’on essaie de préconiser c’est le maintien de la posture et de l’associer avec un temps d’expiration prolongé. On va ainsi solliciter les muscles profonds, notamment le transverse de l’abdomen. Il faut privilégier la qualité du mouvement et vraiment se concentrer sur une expiration de 5-6 secondes.

La course à pied est également un indispensable. Elle est toujours bénéfique, peu importe la forme sous laquelle elle est pratiquée (aller courir, jouer au soccer, au basket-ball, etc.).

Enfin, je pense au renforcement musculaire plus spécifique selon ses besoins. Cela peut être les jambes ou les épaules, deux groupes importants pour un joueur de tennis.

Quel est votre meilleur souvenir avec les équipes du Canada?

Lors de mes premières années ici au Centre, on a organisé un camp physique du côté de Québec, en plein hiver. J’arrivais d’Europe et il faisait aux alentours de -20/-25 degrés! On faisait pourtant des activités extérieures comme des marches en raquette, du ski de fond et des courses en sous-bois. Nous logions dans des cabanes et partagions une vie commune avec les jeunes.

C’est bien de sortir du Stade IGA et de la salle de musculation de temps à temps. Ça crée des liens. Aujourd’hui encore, quand je recroise des joueurs, on se rappelle plus facilement ces moments-là que les moments passés sous la barre de musculation.