Dans cette entrevue, nous souhaitons mettre en lumière le rôle essentiel de nos officiel.le.s. Bien qu’ils œuvrent souvent dans l’ombre, leur contribution est indispensable au bon déroulement de toutes les compétitions. Nous avons rencontré Diane Caron, officielle depuis un peu plus d’un an auprès de Tennis Québec et Tennis Canada, passionnée et dévouée à offrir les meilleures conditions aux jeunes athlètes!
Peux-tu nous parler de ton parcours et du milieu dont tu es issue avant de devenir officielle?
J’ai été enseignante au primaire pendant près de 27 ans. J’avais une formation en éducation physique et j’ai terminé ma carrière comme titulaire de classe. Très sportive et passionnée par plusieurs disciplines, j’ai pratiqué la natation compétitive, le patin, le ski alpin et, bien sûr, le tennis.
Depuis toujours, je suivais le tennis. À l’époque de McEnroe, j’étais devant la télévision, même si le sport n’était pas très diffusé. Ces dernières années, mon intérêt s’est encore intensifié avec la montée de Félix. Je l’avais vu aux Internationaux juniors de Repentigny ainsi qu’aux Championnats mondiaux juniors alors qu’il avait 14 ans, et depuis, je n’ai jamais cessé de le suivre.
De fil en aiguille, cette passion m’a menée à m’impliquer comme bénévole à l’Omnium Banque Nationale. Cela m’a permis d’assister aux matchs, de rencontrer beaucoup de gens et, comme on me posait souvent des questions sur les règlements, l’idée de m’engager davantage a germé. À ma retraite, le moment était parfait pour franchir le pas. Je me suis dit : « Pourquoi ne pas devenir arbitre? » Quand je me suis lancée, je savais que j’allais le faire à fond, et c’est ce que j’ai fait en suivant ma formation, il y a un an.
Quel est le rôle d’un.e officiel.le? Quelles sont ses responsabilités?
L’objectif premier d’un tournoi, c’est que tout se déroule bien. Dès mon arrivée sur le site, mon premier rôle est de rencontrer les jeunes, les entraîneurs et les parents. Je me présente, je leur explique mes attentes et je rappelle les règlements, notamment l’importance du respect dans le sport. J’insiste aussi sur certains points : pas de coaching, pas de circulation derrière les rideaux, et des encouragements qui doivent toujours rester positifs. Cela permet de briser la glace avec les parents.
Avant le début des compétitions, je m’assure auprès de la table de contrôle que tout est en place et que j’ai le matériel nécessaire (piquets de simple, tableaux de pointage, etc.). Je prends connaissance des terrains disponibles et je planifie mon organisation. Il faut aussi gérer les imprévus, comme les absences ou les joueurs malades. Une fois les matchs lancés, j’accompagne les jeunes sur les terrains, je fais le tirage au sort et je réexplique mes attentes. Je répète ce processus pour chaque terrain.
Quand une situation tend à dégénérer, mon rôle est d’abord de désamorcer les tensions. En cas de litige, c’est à nous de trancher. On écoute les deux joueurs, on analyse ce qui s’est passé et on rend une décision en fonction des règlements. Et il faut accepter qu’une décision ne fera jamais l’unanimité.
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans votre rôle?
La plus grande difficulté dans les tournois provinciaux, c’est de se retrouver seule à gérer 4 ou 5 terrains en même temps. Il faut apprendre à tout coordonner. Avec l’expérience, quand joueurs et parents commencent à te connaître, ça devient plus facile. L’an dernier, par exemple, je me suis retrouvée dans un tournoi 12 ans avec 10 terrains à gérer seule. Ça s’est bien passé parce que mes règles étaient claires et que les enfants savaient à quoi s’attendre, mais avec autant de terrains, ça peut vite dégénérer. Avec le temps, j’arrive mieux à repérer les terrains qui risquent d’être problématiques et j’essaie d’intervenir avant que la situation n’échappe au contrôle.
Un autre défi, c’est de gérer les comportements inappropriés des enfants : tricherie, usage abusif de la balle, frustration, mauvais langage, lancer de raquettes ou sorties non autorisées.
Il y a aussi les comportements de certains parents. Parfois, ils contestent mes décisions. Bien sûr, il peut m’arriver de faire une erreur, mais certains ont tendance à voir leurs enfants comme s’ils évoluaient déjà à l’ATP. Cette pression retombe sur les jeunes, et je leur rappelle toujours qu’ils doivent avant tout passer un bon moment et s’amuser. Je demande aussi aux parents d’encourager leurs enfants dans les bons comme dans les mauvais coups, car c’est ça, le tennis.
Même si je dois parfois recadrer certaines attitudes, j’essaie toujours de le faire avec respect. Les parents investissent énormément de temps pour leurs enfants, souvent tous leurs week-ends, parfois avec des nuits d’hôtel et plusieurs enfants à gérer. On se recroise à chaque tournoi, alors il est essentiel de maintenir une bonne dynamique. Et je dois dire qu’à 99 %, les parents sont formidables.
Je suis passionnée et je garde toujours en tête que je suis là pour les enfants, pour leur permettre de jouer au tennis dans les meilleures conditions possibles.
Est-ce que tu as une catégorie préférée à arbitrer?
J’aime tout ce que je fais en ce moment pour être très honnête. J’adore les juniors, je fais des tournois fauteuil roulant, je fais le circuit des maîtres, j’ai fait universitaire aussi. Il faut que ça varie, sinon tu voies tout le temps le même monde. Je trouve ça le fun rencontrer de nouvelles personnes.
J’aime beaucoup les championnats canadiens, on voit toujours de nouveaux visages. On voit aussi des jeunes d’autres provinces qui nous reconnaissent, qui nous disent qu’on s’était vu l’année passée, c’est un petit monde! C’est ça que j’aime, c’est le relationnel avec les jeunes.
Aurais-tu un conseil à donner aux joueurs et aux joueuses pour adopter un bon comportement?
Je dis toujours aux jeunes qu’il faut un gagnant et un perdant. Parfois, lorsqu’ils perdent, ils pleurent. Mais la prochaine fois, ce sera peut-être leur tour de gagner. Beaucoup n’ont pas encore appris à perdre, et c’est souvent là que la pression se fait sentir et que les mauvais comportements apparaissent.
Mon rôle, c’est de leur rappeler que, malgré la compétition, le plus important reste de s’amuser. On le voit tout de suite quand un enfant prend plaisir à jouer. Oui, le tennis est compétitif, mais il faut accepter que la défaite fait partie du sport. Je leur dis toujours : « Je comprends ton envie de gagner, mais avant tout, je veux que tu prennes plaisir à jouer. »
Quelles sont les situations qui te donnent le sentiment d’avoir un impact positif sur les jeunes et qui te motivent à continuer?
Il y en a beaucoup! Je pense à un enfant récemment, il m’a dit, Diane, tu es la meilleure officielle que je n’ai jamais eue, merci d’être là. J’ai souvent des commentaires positifs des parents. Pour moi, j’ai atteint mon objectif, au moins je peux me dire que je peux faire une différence pour ces jeunes-là. C’est touchant après tous les efforts.
Les enfants ont besoin d’être encadrés. Ils ont besoin de sentir que tu es là pour eux et que tu es là pour prendre des décisions. Je leur dis, je le sais, tu es déçu, je te comprends, moi aussi je serais déçue, mais c’est ça la règle. Parfois, un parent me dit, Diane, on sait que c’est toi cette fin de semaine, ça va super bien aller, on est contents. Ça me touche beaucoup. Ce n’est pas facile de prendre une décision quand tu es toute seule et tu as 30 à 40 parents qui te regardent. Pour moi, c’est un des aspects que je trouve les plus difficiles. Quand je me couche le soir, ma devise c’est est-ce que tu as fait de ton mieux aujourd’hui, est-ce qu’il y a des choses que tu aurais pu changer?
Enfin, étant retraitée, je peux donner du temps à ces jeunes. J’ai découvert une passion et j’ai réussi à rejoindre un milieu que j’adore. Le tennis est un très beau sport.
